La moitié du Monde

par Rayane Chraiti et Philippine Coutau · 17.05.2019

Ses bras puissants et terribles entravent nos roues, 

dans ce désert aride ses tourbillons de sable

Assèchent nos corps. Que d'efforts ineffables!

Brûlées par Apollon - Eole contre nous.

 

Balayées ainsi de Charybde en Scylla, depuis l'aube (soit 10h30 du matin, le temps que Rayane finisse ses sacoches) nous lâchons prise en fin d'après-midi et nous nous rendons au char de la providence que l'on nomme aussi dans ces contrées d'Orient "peugeot Pars blanche".

 

Sésame ouvre-toi! Les montagnes s'écartent et découvrent Isfahan. On se perd dans les ruelles bordées d'arbres que dessinent des canaux. Il nous faut deux heures pour rejoindre le centre-ville.

Les jardins merveilleux sont investis par les iraniens qui mangent, jouent, dorment et rient. 

"Nature day" toutes les familles sortent pique-niquer dans la nature, au bord de la route, sous le soleil brûlant... Tout le monde sort ses sabzis. Ici, pour le Norouz, les gens font pousser des petites herbes et les gardent à la maison pendant les fêtes. Aujourd'hui, chacun pose ses petites pousses sur le capot ou le toit de sa voiture pour faire une balade. Plus longtemps tiennent les sabzis, meilleure sera l'année. 

Elena sur le porte-bagage, on évite une demi-douzaine d'accidents avant d'arriver à la piscine.

Entre 9h30 et 18h30, l'entrée est réservée aux femmes.

Après quelques largeurs - ici les barrières flottent à l'horizontale au milieu du bassin - on saute dans le jaccuzzi jaunâtre puis dans le hammam à côté.

Pendant notre séance d'étirement, on s'autorise en maillot de bain quelques postures de yoga que la mixité publique empêcherait.

Une femme alors, seule, lève ses bras et les ondule sur la musique qui emplit la salle. Bientôt une autre la rejoint, portant toujours son bonnet de bain sur la tête. Les vieilles dames frappent des mains dans l'eau pour les encourager. Elles nous entraînent dans leur danse, nous sommes dix au bord de l'eau. Elles saisissent nos tailles, prennent nos mains et on se déhanche, on se sent toutes belles, énormes ou minuscules.

Toutes ensembles, on rit, on bouge nos corps dans tous les sens.

En sortant, on ouvre la porte d'une Chaïkhaneh. Tout de suite, un serveur s'interpose sur le seuil. Il lève la main et nous fait comprendre que nous ne sommes pas les bienvenues et que nous ne rentrerons pas.

L'établissement n'autorise pas les femmes à boire un thé.

Ispahan, la moitié du Monde - et courent partout, là où autrefois on jouait au polo, les calèches sur sa place immense, Naqsh-e Jahan que dominent à l'Est le palais royal aux colonnes de bois peintes, au Sud la mosquée bleue asymétrique. Bordée par son bazar couvert, un marchand de tapis nous offre le thé et nous garantit que la cendre de cigarette est efficace contre les pucerons qui grignotent les tapis de soie.

Venus nous emmène un soir faire une balade sur les Champs-Elysées. Cette nouvelle rue piétonne donne sur la rivière Zande rud où l'eau ne coule qu'un mois par an. On s'assied sur le pont avec un verre de jus de carotte et boule vanille trempant dedans.

On trouve au musée d'art contemporain l'exposition d'un artiste allemand qui illustre en peinture les poèmes d'Hafez. Graphisme, calligraphie, couleurs, on s'inspire.

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