La Perse

par Elias Giudici et Michael Gowen · 15.12.2019

L’Iran a eu de nombreuses capitales au cours de son histoire. Avant Teheran ce fut Ispahan, située bien au sud de cette dernière et de la chaîne montagneuse de l’Elbourz située au centre du pays. Ce fut la capitale des Safavides, qui façonnèrent la réputation légendaire de cette ville. Elle fascina l’imaginaire de l’Orient comme de l’Occident par sa beauté, paradisiaque pour beaucoup. Il est vrai que là-bas se trouve parmi les plus beaux lieux d’Iran. Nombreuses sont les raisons qui en feraient un des lieux les plus touristiques du monde. Il y a des choses que l’on peut trouver ici uniquement. Nous aussi voulons découvrir les merveilles antiques qu’abrite cette ville. Ainsi que celle de Yazd et Chiraz. Ces trois villes forment l’axe principal du tourisme en Iran, avec les îles du Golfe Persique et bien sûr, Téhéran. Après cette dernière, nous avons passé deux nuits à Kashan. Ensuite, nous sommes arrivés à Ispahan.

Dès le premier jour, en marchant sur la place principale, nous découvrons les merveilles architecturales dominant les habitations. C’est déjà bien impressionnant pour nous et pourtant, la ville continuait de grandir à nos yeux. Jour après jour. Nous faisions des rencontres, allions boire le thé et fumer le narguilé dans un salon situé dans un sous-sol au centre ville. Nous avions pris nos habitudes. Le bazar est couvert, comme beaucoup en ce pays. Il a la particularité d’avoir une section, non loin des monuments principaux tels que la célèbre mosquée bleue, où l’on vend des produits destinés aux touristes. Des tapis, des bijoux ou des miniatures. L’artisanat reste d’une grande qualité. Car contrairement aux bazars ouzbeks où la vie s’est éteinte, ces marchés restent en Iran les centres de vie et de commerce dans les villes qui les abritent. Les tapis n’ont pas perdus de leur splendeur. Il est impossible en Iran d’importer des tapis et on ne vous vendra jamais un tapis fait machine comme un fait à la main. Tous seront des tapis persans. Il en va de même pour les bijoux. De l’argent 925 sera toujours de l’argent 925. Cela peut paraître une évidence ; ce n’est pourtant pas le cas dans les marchés d’autres pays. 

À Ispahan, il y a aussi ce fast-food où nous allons manger de sublimes sandwichs à la garniture d’un hamburger, dans le quartier arménien. On appelle ce dernier la Nouvelle Jolfa, en référence à une ville d’Arménie. La communauté qui vit ici est l’une des plus ancienne d’Iran. On trouve ici une cathédrale unique en son genre ; un mélange d’art et d’architecture islamique iranien et chrétien arménien. Le musée a proximité est très instructif. On en apprend sur l’histoire des arménien d’Iran et aussi du Génocide ayant eu lieu au début du XXème siècle. C’est un beau quartier, la journée comme le soir. Parfois, on entend de l’arménien dans les cafés. Cette communauté a été très active dans le commerce au cours de son histoire et a contribué à faire la grandeur de cette ancienne capitale du Royaume d’Iran.

On va se promener sur un pont à la tombée de la nuit. Sur le Si-o-sehpol, pont aux trente-trois arches, comme l’âge qu’aurait eu Jésus le jour de sa mort. Il a été dessiné par un architecte de la Nouvelle Jolfa au début du XVIIème siècle. Quelques jours plus tard nous nous asseions sous un autre des onze ponts d’Ispahan, je ne me rappelle plus de son nom. De nombreux passants se promènent par ici et restent un moment sur les marches se trouvant en bas des arches. C’ést un beau moment, d’autant plus que nous avons de la chance. L’eau de la Zayanderud coule à nouveau. L’Iran souffre de la mauvaise gestion de ses eaux. C’est un défi majeur, sur lequel se reflètent les problématiques liées à la modernisation du pays. On trouve de l’eau avec une abondance relative en ce pays. Cependant, face à l’industrialisation du territoire et le doublement de la population depuis la révolution de 1979, le gouvernement a jusqu’ici échoué à trouver des solutions durables. Sans compter les problématiques dues au changement climatique.

Après une semaine, nous nous sommes rendu dans la cité millénaire de Yazd, située plus au sud. Bâtie dans le désert, les maisons traditionnelles sont en argile. Les vieilles habitations ont peu d’étages et la ville donne une impression étendue. Surtout lorsque vous êtes au sommet d’une des Tour de Silence. Ces constructions se trouvent à l’extérieur de l’agglomération. C’est comme cela que les zoroastriens rendaient hommage à leur morts. Ils placaient les corps sur une plateforme, au sommet des tours. Ensuite, ils les laissaient se faire dévorer par les oiseaux, avant de fondre les reste à l’acide dans un trou creusé au centre, en haut de la structure. Pour des raisons d’hygiène, ceux qui travaillaient sur ces tours n’avaient jamais de contact avec l’extérieur. On leur laissait les cadavres et ils se chargeaient de la cérémonie. Sous le dernier Shah, on interdit ces pratiques, entre autre pour pouvoir urbaniser les terres autour de ces tours. Les inégalités entre différentes communautés religieuses ont existé bien avant 1979, en Iran. Il existe cependant aujourd’hui encore une large communauté zoroastrienne à Yazd. Des Temples du Feu, où brûle derrière une
vitre ce qui est la représentation terrestre de Dieu pour les membres de ce culte. Mais il n’est pas toujours nécessaire de s’y rendre pour prier. À défaut, la lumière du soleil peut suffire.

 

Enfin, nous rejoignons Chiraz. On nous a beaucoup parlé de cette ville, en nous disant qu’elle était très belle. Mais surtout, les jeunes nous disaient souvent que c’est là que les gens sont les plus cool. En effet, on a pas tardé à rencontrer du monde. C’est un séjour tranquille. Nos nouveaux amis nous emmènent visiter la ville. Voir les mausolées des grands poètes, tels que Hafez ou boire un café aux allures excentriques dans un coffee shop. Ensuite, on se rend au bazar aux allées longues et aux plafonds hauts de Chiraz. Manger des barquettes de fèves bien chaudes et bien épicées et se balader entre les stands de divers objets, ou encore aller regarder les produits vintage dans les brocantes. En nous asseyant aux terrasses avec eux, on revient souvent à la question de l’imigration. Comme beaucoup ici, certains membres du groupe avec qui on se trouve veulent partir du pays. Si certaines mesures liées à la religion se sont assouplies au cours des dernières années, telles que le port du voile qui devient moins rigoureux, le pays traverse une période de crise sans précédent. Beaucoup ne voient plus d’issue et veulent s’en aller. Aller au Canada ou au Royaume-Uni par exemple, où de larges communautés d’iraniens existent. Souvent, ils ont déjà des proches là-bas. Il y a plusieurs façons de partir. Certains vont étudier dans les universités, puis continuent de vivre là-bas. D’autres achètent des passeports sur le marché noir, qu’ils jettent dans les toilettes, à l’arrivée en Grande-Bretagne. Les autorités anglaises ne posent ensuite pas trop de question et permettent aux nouveaux arrivants de rester, nous a-t-on raconté. L’Iran connaît le problème de la « fuite des cerveaux ». La plupart de ceux qui ont un haut niveau d’études partent à l’étranger, où ils trouvent parfois des postes très bien placés dans des grandes entreprises. On peut le constater dans des endroits tels que la Silicon Valley, aux Etats-Unis. Le gouvernement laisse filer. Peut-être parce qu’en privant l’Iran de ces têtes, on réduit aussi l’opposition. Cela reste un drame pour la société iranienne.

Après, nous quittons les routes les plus touristiques d’Iran pour descendre toujours plus au sud. Ça vaut la peine de visiter les monuments majeurs de ce pays. On en apprend beaucoup sur des cultures fascinantes. Ce pays pourrait connaître un jour une économie du tourisme forte. Cela pourrait aider le pays, face à la crise économique. Mais le manque de liaison aériennes avec l’Europe, dû à la pression constante du gouvernement américain sur les entreprises qui essayent de commercer avec l’Iran, freine ce développement. En outre l’Union Européenne, qui souhaite maintenir l’accord sur le nucléaire, n’a pas été capable de trouver des solutions efficaces face au retrait des États- Unis. Ces derniers ont peur de la puissance économique et militaire que l’Iran pourrait développer. Ils espèrent finir par acculer le régime à coups de sanctions et de pressions militaires. Certains vous diront qu’ils ne font que donner l’opportunité au pouvoir en place d’affirmer sa position. D’autres que de tout façon le peuple ne compte pas pour le gouvernement. Que dans tous les cas, les accords internationaux ne sont là que pour le régime et que cela ne changerait rien pour les habitants du pays. L’Histoire nous donnera le fin mot.

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