Baku

par Elias Giudici et Michael Gowen · 24.01.2020

Notre train nocturne arrive à la périphérie de Baku. La nuit disparait. Peu de couleurs sont perceptibles au-delà des fenêtres du wagon. Si ce n’est le soleil, tout est gris, brun ou noir dans la plaine semi-désertique traversée par le train. La ville apparaissait peu-à-peu. Des bâtiments résidentiels à façade la norcie sur la droite et des derricks sur la gauche. Des flaques noires sur le sol beige. Une ambiance plus sombre que dans le reste de l’Azerbaijan, aux couleurs plus claires, que ce soit sur les plaines arides ou les forêts sur le versant sud du Caucase. 

Nous sommes arrivés sur le quai de la gare principale de Baku. En descendant, le Golden Eagle transsibérien se trouvait en face de notre convoi. En Azerbaidjan, on se sent plus proche de la Russie qu’en Géorgie. Cela malgré le fait que ces deux pays soient frontaliers avec la fédération; et qu’il y ait bien plus de soldats russes en Géorgie qu’en Azerbaidjan. Il est encore tôt, nous quittons la gare et marchons pendant une bonne heure dans la ville. Sans vraiment savoir où aller, dans des grandes avenues qui se réveillent à
peine. Le contraste avec le reste du pays se fait tout de suite sentir. Face à un pays rural et conservateur jusque dans ses grandes villes – telles que Gandja – se dresse une capitale moderne. Ici les infrastructures pour attirer le tourisme de luxe ne manquent pas. Plus tard, vers le soir, nous longeons le bord de mer, où les groupes de touristes sont nombreux. Des russes, des habitants du Golfe et des iraniens, entre autres. Ils partagent leur appartenance à des classes sociales élevées.

Nous ne voulons pas trop nous attarder dans cette grande ville. La prochaine étape, c’est de traverser la Caspienne et rejoindre l’Asie Centrale. Cela demande cependant quelques préparatifs. Il nous faut trouver un port avec une liaison jusqu’au Kazakhstan, puis un bateau qui nous emmène loin d’ici. 

Le matin nous prenons un petit déjeuner dans notre hotel, situé en vieille ville. Une vieille ville morte, ayant rendu l’âme pour que les anciennes batisses la constituant puissent accueillir des visiteurs et mettre en mouvement l’économie du tourisme. À la place des vieux marchés et des vieilles échoppes on trouve restaurants kitshs et magasins de souvenirs. Nous ne verrons pas de bazar ici. Nous décidons d’aller voir les champs de pétroles aux alentours de la ville ou peut-être visiter un port. Arrivés à Baku, il faut bien en retirer quelque chose d’intéressant. Pourquoi pas louer une voiture ?

Le garçon de l’hotel, qui s notre âge, nous en propose plusieurs. Entre deux vidéos de ses amis au volant de Lada dernier modèle, sur 2 roues seulement. Pour finir, un de ses amis accepte de nous conduire. Il nous attend sur un parking, adossé à sa berline coupé. Une Hyundai de couleur blanche. Nous ouvront les portières et nous nous installlons, l’un à l’avant l’autre à l’arrière. Après avoir discuté un peu, il nous a demandé ce que nous voulions faire ou voir. Depuis la banquette arrière, je suis en train de fixer discrètement, mais stupéfait, le pass de sécurité qui pend et se balance au rythme des virages : une carte d’employé de Socar, la State Oil Company of Azerbaijan Republic. Par chance il peut nous emener sur l’une des plus anciennes exploitations d’Azerbaijan.

Nous allons au milieu de ce champ pétrolifère voir de près les vieux derricks au mouvement pendulaire, qui surplombent des mares où l’eau se mélange au pétrole sur un sol sec. Car les lieux comme celui-ci sont à l’origine des immeubles extravagants qui contribuent à la mégalomanie architecturale de Baku. D’ailleurs, on ne peut pas louper les Flame Towers, un trio de grattes-ciel à la forme de flammes. Leur façade s’illumine le soir, comme un feu dansant ou un drapeau azéri flottant au vent. L’or noir est mis en valeur comme un symbole de prospérité économique. Pour l’élite d’aujourd’hui et de demain. Un ami de notre guide nous rejoint avec sa grosse Kia noire aux vitres teintées jusqu’à l’avant du véhicule. Nous commençons à sympathiser de plus en plus. Si bien que lorsqu’ils nous demandent ce que nous voulons faire à présent, nous leur répondons juste : “ Just do what you would do if we were not here”. Ils se regardent avec un grand sourire, avant de démarrer leurs moteurs et partir pour un rodéo urbain. 

 

La ville nous semble maintenant différente. On voit les grands buildings défiler de plus en plus vite sous nos yeux tandis que le nombre de Miles per Hour affichés sur le compteur ne fait que grandir. Nos nouveaux amis nous expliquent que les voitures Made in USA sont plus puissantes – sans doute avaient-elles du transiter par la Géorgie, comme beaucoup de voitures dans cette région.

On s’est déjà interessés au sujet à Tbilisi. Dès le début du voyage, nous avons pensé acheter une voiture quelque part. C’est en Géorgie que les voitures sont le moins, cher entre Istanbul et la Caspienne. On peut aussi plus facilement y obtenir des plaques en tant qu’étranger. Un gérant d’hôtel nous a parlé de ceux qui font des emprunts à la banque pour aller acheter des voitures aux USA, qu’ils revendent ensuite dans leur pays. Notamment grâce à des concessionaires ou de grands sites en ligne, tels que autopapa.ge. Dans la
région, la Géorgie est une plateforme tournante du marché automobile d’occasion. En prenant le taxi, on voit des tableaux de bord dans toutes les langues. Ainsi que des volants à droite comme des volants à gauche. Les amateurs de tuning sont nombreux.

On s’arrête alors sur une longue route, vide, droite et faisant face au centre ville où les bâtiments s’élèvent plus haut qu’ailleurs. Michael descend et monte dans la Kia noire. Je reste à bord de la Hyundai. On fait une ou deux fois la course au démarrage sur ce tronçon avant de continuer notre route.

Il est quatres heures quand nous arrivons sur la crète d’une colline inaccessible aux visiteurs et gardées par des vigiles. Enfin, relativement inaccessible. Un pot de vin suffit à nous faire passer. Nous faisons face à la
mer, sur notre gauche se trouvait Baku. D’ici, loin des détails que l’on remarque lorsqu’on se ballade dans ses rues, je la trouve splendide. Mais sur notre droite, une autre ville que l’on ne voyait pas depuis la capitale nous est visible pour la première fois. Une ville cachée derrière la colline où nous nous trouvons.”On your left there is the city of the rich people and on the right, the city of the poors.”. Sur notre droite se trouve une zone industrielle et de nombreuses habitations. Dans un état et un style contrastant très fortement avec Baku. Un contraste qui est celui d’un pays. Dans ce pays on achète tout avec de l’argent, même la vie d’un homme. Seul le pouvoir n’a pas de prix.

Plus tard, alors que nous longions la côte, nos amis nous parlent d’une île artificielle qui a été construite au large. Un ou deux ans auparavant, l’un d’eux s’était rendu a une fête là-bas. Aujourd’hui elle est fermée. L’homme qui l’a faite construire a fini par tomber en disgrâce auprès du gouvernement; il semblait par son patrimoine être plus riche que la famille en place. Car on peut acheter presque tout, mais pas rentrer dans les plus hautes strates du pouvoir. L’Azerbaidjan est bel et bien une oligarchie fermée. Il y a des postes auxquels personne ne peut accéder, à moins que la famille gouverante ne l’ait décidé.

À Baku, une avenue autrefois appelée black street en référence aux derricks qui l’encrassaient, a été renomée white street à cause ou pour les constructions en marbre blanc qui ont été érigées autour d’elle. À Baku, il faut prendre garde à la poudre qu’on vous jette aux yeux, si l’on veut voir l’Azerbaijan. Si nous avons pu retenir quelque chose de cette capitale, c’est grâce à nos amis. Cela a toujours été le cas dans notre voyage. Nous avons tissé des amitiés qui nous offrirent des clés de compréhension.

Aux alentours de la capitale, ils nous montrent les immenses entrepôts qui forment un bazar de grossistes. Sederek. Une quantité formidable de marchandises venant pour la plupart du même point d’origine : la Chine. On sent son influence grandir au fur et à mesure que l’on se rapproche de ses frontières. Nous continuons de remonter le fil qui nous amène au port d’Alat. Pour la première fois du voyage, nous allions avancer vers l’est à bord d’un navire.

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