Premiers essais et arrivée à Luang Prabang

par Simon Bérard · 08.12.2022

Nuit blanche, ou plutôt nuit clair. Je m’endors à trois heures du matin environ, terriblement frustré de ne pas réussir à dormir. Je sais que la journée va être longue, il faut que je prépare toutes mes affaires, quitte l’hôtel pour aller réparer mon dérailleur - en faisant par ailleurs mes premiers tours de roues sur le sol asiatique ! Ensuite, il faudra aller en bus jusqu’à Luang Prabang, dans les montagnes du nord, mon point de départ pour ce voyage en vélo.

Je déjeune comme une ombre dans la grande salle vide de l’hôtel puis m’empresse de repartir mes affaires entre mes deux sacoches. Une demi-heure et une discussion interminable après - la réception ne comprenait pas que je souhaitais savoir comment me débarrasser de mon carton - je suis dehors et je réalise mes premiers mètres dans le faible trafic de la capitale.

Un passant surpris me prend en photo

Un réparateur de vélo me repère directement d’oreille lorsque je m’engouffre dans son obscur magasin : tandis que j’explique aux employés que je cherche à faire régler mon vélo, il se poste devant moi.
« T’es français ? C’est quoi le problème ? »

Surpris, je bégaie en français mes soucis de passements de vitesse. Avec la même désinvolture, il prend brusquement un instrument et dépose mon vélo sur celui-ci. Il teste, tourne, pince, visse ou dévisse et cinq minutes plus tard ;

« Va le tester ». Il pointe la sortie.

Je m’exécute. Verdict : tout est parfait.

Je le remercie et son visage semble se détendre un peu. Il me donne quelques conseils mais il siffle lorsque je lui parle de ma première étape, Luang Prabang-Vientiane.

" C’est que de la montée. Un col de 25 kilomètres. Avec le poids de tes sacoches tu vas devoir bien pousser mon gars ».

Cela ne me rassure pas trop, je le quitte lorsqu’il se met automatiquement au travail car une nouvelle cliente est entrée. Manière de m’inviter gentiment à disparaître.
 

Onze heures environ : j’arrive à la station de bus qui mène au nord. Ils acceptent volontiers mon vélo - je comprend très vite qu’avec des payements supplémentaires, tout devient possible au Laos - et le disposent à l’arrière du véhicule, sur le toit. À peine quelques noeuds, aucune protection, bien en évidence à tous les conducteurs qui suivront de près ou de loin le minibus.
 

Mais je souris : je suis devenu l’attraction de la station de bus. Alors que le conducteur fait ses derniers réglages en équilibre sur le toit, un groupe discute et rigole en voyant mon air déconfit et peu rassuré. C’est en apercevant également un scooter à quelques mètres de mon vélo, puis des poules - vivantes ! - dans un carton que je me dis que ça devrait le faire. Ils doivent avoir l’habitude.

Je reconnais ensuite parmi les passagers une française que j’avais déjà remarquée dans la salle d’obtention du VISA, à l’aéroport. On discute, on mange ensemble lors de la deuxième pause et nous rigolons du travail qui va m’attendre quand je quitterai Luang Prabang. En effet, le van ne fait que de monter pendant une dizaine de minutes pour tout redescendre au col suivant. Et ainsi de suite, sur plus ou moins six heures de trajet. Le français au magasin de vélo m’avait pourtant averti mais le fait de ressentir les vibrations du moteur et les bruits des nids-de-poule cogner contre les pneus me fait soudain réaliser de l’effort qui m’attend.

Je tente de me dire que je prendrai le temps, quitte à accumuler du retard qui pourra être rattrapé plus tard mais ma motivation en prend un sérieux coup.

Je préfère faire semblant de dormir durant le dernier morceau du trajet plutôt que de regarder par la fenêtre et imaginer tout ce dénivelé…

Au moins, les paysages sont magnifiques.

Nous arrivons lorsque le jour est déjà tombé : la station d'arrivée est plongée dans une épaisse
obscurité, renforcée par la faiblesse des lampadaires avoisinants. La française prend un tuk-tuk et je
me retrouve seul parmi quelques silhouettes qui semblent attendre patiemment un bus qui ne viendra
jamais.

Mais, je commence à le comprendre, les gens passent à mes côtés pour me regarder simplement par
curiosité ! Ils sourient, rient et on finit par balbutier quelques échanges.

Je dis "This is my tuk-tuk !" en pointant mon vélo : le conducteur de taxi et la vieille femme rigolent.

Je les laisse après avoir installé ma lampe et regonflé mes pneus. Comme à Vientiane, il n'y a pas grand monde sur la route. Je réalise les 3 kilomètres qui me séparent de l'hôtel que j'avais repéré dans le bus (Grâce au téléphone de la française qui visiblement s'inquiétait pour moi - merci beaucoup pour ton aide et tes chips à la banane - ) mais une fois arrivé sur place, je ne trouve qu'un labyrinthe de ruelles où s'étirent de longues ombres aux formes peu rassurantes. Aucune lumière, quelques cris au loin. Je m'élance.

Une ruelle éclairée uniquement grâce à ma lampe avant 

Je dois faire plusieurs fois demi-tour pour trouver mon chemin. Heureusement, quelques habitants m'aident comme ils le peuvent : malgré son apparence de coupe-gorge, le quartier est empli de familles qui finissent de manger dans leur cour ou devant la rue. Des enfants me regardent passer, comme si j'étais un extraterrestre.

Seul petit coup de stress, lorsque j'arrive devant une impasse : un chien s'approche de moi en aboyant. Je m'éloigne calmement puis, sûrement lorsqu'il a compris que je n'étais pas hostile, se met à renifler mollement mes sacoches.

J'arrive à l'hôtel, pose mes affaires puis me rend directement vers le marché de nuit où je retrouve mon amie du bus. Nous mangeons avec deux autres français sur une grande place entourée de différents stands vendant un choix varié de nourriture. Je rentre à minuit, crevé mais heureux du dénouement de la journée.

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