Fin et remerciements
Petit message de fin : Bon. Voilà. C'est la fin de cette aventure et par la même occasion, le dernier post de ce blog qui fut une belle expérience d'écriture.
par Simon Bérard · 16.12.2022
Je quitte rapidement ma miteuse auberge. La lumière de la salle de bain ne s'allume pas et de curieuses
rosaces de moisissures croissent avec enthousiasme sur tout l'espace mis généreusement à leur
disposition. Peut-être que dans leurs lignes progressives, on pourrait y compter les années de nonentretien,
comme dans un tronc d'arbre ? Ces auréoles se sont même invitées sur les draps dont l'odeur
laisse à désirer. J'ai heureusement réussi à trouver un carré en bordure du lit qui semblait relativement
propre - ou en tout cas moins sale - que le reste.
Savoir que je m'apprête à réaliser mon dernier col aujourd'hui m'insuffle la dose de motivation
nécessaire. Comme les jours précédents, je ne mange pas de petit-déjeuner, une mauvaise habitude que
j'ai contractée sans tenter de la corriger.
Le col est atteint sans trop de peine, la chaleur n'est pas encore très élevée. Je prends néanmoins le
temps de respirer, j'ai les cuisses qui hurlent.
Désormais, je me dis que la suite sera facile. En effet, je n'ai plus qu'une longue descente puis environ
80km de plat jusqu'à Vientiane. C'est en tout cas ce que m'indique mon application de vélo. Moi qui ai
connu les terribles dénivelés du nord, je me dis que l'étendue ne sera pas un problème.
Je me suis bien trompé : à peine ai-je terminé la pente que se déroule devant moi une longue route
caillouteuse, rongée par le soleil et les nids-de-poule. Au début, quelques hectares de forêt subsistent
tout de même sur les bords.
Au sommet de mon dernier col
Mais progressivement, la végétation se raréfie jusqu'à, sur certains tronçons, l'extinction complète. J'ai
l'impression de m'engouffrer dans un désert : tout est sec et couvert d'une fine pellicule de poussière.
Avec le soleil qui atteint son zénith, c'est la fournaise.
Rapidement, j'ai la tête en feu et les yeux irrités à cause des gerbes de terre que soulèvent les camions.
La population locale semble s'y être résolu : la plupart se couvre d'un masque ou d'un foulard qui passe
sur tout le bas du visage. Certains portent également des lunettes noirs pour se protéger les yeux.
Même les chiens errants font avec, ne sortant que très rarement des maigres portions d'ombre qui
bordent les maisons.
Treize heures. Je mange dans l'un de ces restaurants sans nom. Lorsque je m'assois, personne ne vient
prendre ma commande. Après quinze minutes, alors que je m'apprête à chercher la femme qui s'active
en cuisine, cette dernière m'apporte une soupe avec quelques nouilles, des grosses boulettes de viande
compactées, des tentacules (du poulpe ?) et des tranches de porc. Je plains les végétariens. Le plat n'est
même pas bon.
Sur plusieurs kilomètres, des travaux s'ajoutent au calvaire. Pour un vélo, c'est ce que je redoute le plus
car les déviations se font sur des chemins poudreux où les roues s'enfoncent dans le sable. Cependant,
je cesse de me plaindre en voyant les ouvriers qui triment toute la journée dans cet enfer. Avec leurs
draps noirs autour de la tête, ils ressemblent à de tristes bédouins.
J'arrive à Vientiane complètement épuisé. Je n'ai mangé qu'une soupe - mauvaise de surcroît - et je n'ai
sûrement pas assez bu. J'ai mal à la tête, tout m'énerve.
Je me fais refuser dans une première auberge qui a l'air parfaite. La piscine me fait fortement de l'oeil.
Mais la femme remue catégoriquement la tête : no, no, no. Je ne sais même pas si elle me comprend
car lorsque je lui demande si elle sait où je pourrais trouver d'autres endroits où dormir, elle fait le
même geste de refus.
C'est ce que j'appelle la porte de sortie laotienne, dont j'avais déjà discuté avec d'autres touristes.
Souvent, lorsque certains locaux ne comprennent pas l'anglais, ils préfèrent répondre négativement à
toutes les requêtes.
Est-ce que je peux dormir ici ?
No.
Vous n'avez vraiment plus de place ?
No.
Est ce que vous connaissez un autre endroit où je pourrais dormir ?
No.
Mais il y a d'autres guesthouse par ici ?
No.
Mais vous comprenez l'anglais ?
No.
Bon.
Cette attitude part cependant d'une bonne intention ! Ils ne veulent pas décevoir, ils veulent aider la
personne qui leur demande de l'aide, alors ils répondent comme ils le peuvent. Des fois, il y a
seulement des circonstances où ce n'est que source d'irritation : je quitte la réception sans un mot, ne
disant ni merci ni au revoir. Je marmonne mon énervement.
Je déniche finalement une auberge où se balade une douzaine de chats. Un vieillard laotien parle le
français, héritage d'un passé colonial dans la région. Quelques arbres encadrent une jolie cour
intérieure, les chambres se répartissent en U sur deux étages. Il y a de la place, la pièce est rustique
mais de toute manière, je ne serais pas allé plus loin.
Petit message de fin : Bon. Voilà. C'est la fin de cette aventure et par la même occasion, le dernier post de ce blog qui fut une belle expérience d'écriture.
Six heures. Je n'ai pas dormi de la nuit. Pas l'envie. Je sors doucement de ma chambre.
10 janvier 2023. Je m'apprête à me lancer dans mes derniers jours de voyage. Mon objectif : Kep, un petit village balnéaire où je finirai mon itinéraire.