Le vent du large - 18 ans pour 1800 kms

par Simon Bérard · 03.12.2022

Avant-propos

Ce que vous vous apprêtez ici à lire est la compilation de la trentaine de posts que j’avais écrit pendant mon voyage au Laos et au Cambodge lors de mon année sabbatique. Le premier décembre 2022, je suis parti en vélo, seul, sans expérience cycliste aucune, au nord du Laos avec le but encore flou de rejoindre les côtes du sud khmer, un mois et demi plus tard. Avec le projet du documentaire, je m’étais aussi engagé auprès de la banque qui a financé mon voyage à écrire quelques posts réguliers pour raconter mon aventure. Les voici ici compilés.

Ces posts ont été publié sur un site internet pour permettre à mes proches et aux gens intéressés de suivre mon aventure. Mais ils étaient aussi un terrain d’expérimentation, un exercice auquel je me confrontais quasiment chaque soir après mes longues journées de vélo ; raconter ma journée, mon voyage, tenter de décrire au mieux les sensations vécues, les paysages ressentis, les rencontres… sans trop me perdre dans un style trop soutenu ou trop travaillé ! Je n’avais pas beaucoup de temps pour écrire, il fallait m’y mettre naturellement.
Ainsi, ces textes sont souvent le reflet d’une écriture plutôt automatique. Ce sont les mots qui me sont venus sur le moment, je ne relisais pas mes textes. Ils sont peut-être parfois maladroits, parfois chaotiques, mais je me suis efforcé de toujours les écrire sincèrement, sans artifice. Le voyage est une expérience que l’on romantise avec un plaisir coupable, surtout lorsqu’on est seul. On a tendance à vouloir grossir les événements extraordinaires pour en faire un résumé de toute l’aventure, faire disparaître l’ennui, la déception, la fatigue. On ne veut pas décrire nos faiblesses ou raconter une journée anodine, on voudrait faire croire à ceux qui nous lisent que c’est constamment le pur bonheur,
aussi pour se convaincre soi-même. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Le voyage, c’est aussi beaucoup d’ennui que l’on s’efforce de transformer en contemplation, c’est aussi des mauvaises rencontres, des journées sans, une envie d’arrêter. Et c’est très bien comme ça ! Ces moments de plat, de silence, de doute, font justement rayonner les autres, ceux qu’on espère rencontrer à chaque coin de rue : la grande rencontre, l’aventure folle, on passage mouvementé… ceux qui font qu’on a envie de repartir aussitôt après avoir terminé. C’est par ce contraste que se fait cette magie du voyage. C’est donc pour cela, tout humblement, que je me suis efforcé de raconter et de décrire honnêtement mes
journées, sans les idéaliser. Simplement la vérité de mes perceptions. Mon voyage, mes yeux.

Je voulais encore remercier Lombard Odier et le prix des voyages extraordinaires qui m’a permis de partir et de réaliser ce rêve fou. Un grand merci à Bikelab, dans les hauts de Montreux. Le propriétaire du petit magasin a eu la patience de m’expliquer le fonctionnement d’un vélo quelques jours avant mon départ… Enfin, c’est un peu bateau, mais merci aux proches, famille, amis, qui m’ont soutenu avant et pendant l’aventure.

Une spéciale attention en dernier lieu aux rencontres que j’ai faites sur place. Ce sont deux magnifiques pays que j’ai traversé et j’y conseille vivement le détour, peut-être surtout au Laos, pays qu’on a tendance à oublier face aux géants Vietnam et Thaïlande.

Enfin, quelques mots sur le vent du large.

Au Laos, j’ai rencontré un breton qui m’a parlé de cette sensation qui le prenait lorsqu’il s’éloignait des côtes avec son petit voilier. Il me disait : c’est comme un appel, là-bas, à l’horizon, tu as l’impression que tout peut arriver. Les vagues deviennent majestueuses, le courant t’emporte, tu sens tout le bateau qui vibre. Et toi aussi, tu trembles d’excitation. Ces nuages, une tempête ? Un orage ? Ce point qui brille, un autre navire ? Une île ? Soudain le monde entier paraît faire sens, une quête, une envie profonde d’aller voir, là-bas, de suivre cet appel de l’horizon. On se sait quelque peu ridicule, cet idéal du voyageur, cette vie lointaine qu’on effleure parfois du bout des doigts. On imagine, on rêve de
sensations et de contrées trop lointaines pour être réelles. Finalement, on sait qu’on ne peut partir trop longtemps, errer, pour l’infini, ça perdrait de sa substance. Mais de de temps en temps, le sentir, ce vent du large… Vivre cet idéal, l’embrasser, sentir qu’il est possible. À portée de main. N’importe quand.

C'est peut-être en souhaitant faire l'autopsie de mon voyage que je le condamne à mort. Il faut le laisser vivre, lui laisser de la place, respirer, diffuser. Quelle mauvaise habitude, celle de toujours vouloir tout comprendre, comprendre ce qu'il n'y a peut-être pas à comprendre. Des enfants qui me suivent en riant, je m'arrête avec eux, il n'y a rien à comprendre. Un vieux dont je ne connais rien mais avec lequel j'ai une discussion fascinante, dans une ville sans nom au fin fond de la campagne, il n'y a rien à comprendre. Une solitude énorme, des kilomètres de vide et de poussière, ou une euphorie gigantesque au sommet d'un col, non plus. Laisser le tout se dérouler, avancer ainsi, de lieux en lieux,
sans trop se poser de question, comme un cycliste sur son vélo en pleine cambrousse ; voilà ce qui semble juste. Car après tout, et je crois que là est peut-être le principal, je me suis bien amusé.

Ecrit le soir du dernier jour de voyage.

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