Safi

par Elie Meuret et Gilles Courvoisier · 24.07.2023

Safi,
Abandonnée des touristes européens, la ville fortifiée regorge de vacanciers marocains qui, si certains nous observent avec un regard interrogateur, la plupart ont cette gentillesse de nous indiquer les directions tout en nous souhaitant la bienvenue. Nous y découvrons la poterie – fierté locale – et les sourires marocains. De notre appartement qui a le mérite de nous offrir une vue imprenable sur le port et le soleil du Moyen Orient, nous contemplons les passants ainsi que ces deux semaines déjà écoulées.
Après un séjour délicat à Essaouira, nous reprenons goût au voyage. Décidément, cet état contemplatif propre au voyageur s’acquiert bel et bien dans les hauteurs.

Dominant les hauteurs et se faisant échos, les minarets résonnent dans la ville entière. Rythme du temps, pulsation constante, ces appels indiquent le temps tout en l’organisant. Alors même que la religion ne semble pas être en ces lieux vacanciers la première des préoccupations, le spirituel continue d’exister dans le paysage sonore de ces lieux.
Dans notre époque où la spiritualité est peu à peu remplacée par le règne de l’individualisme et de la machine, l’homme semble avoir perdu cette capacité à contempler les étoiles, à concevoir une réalité qui le dépasse. L’appel à la prière qui résonne dans ces décors orientaux nous rappellent peut-être l’importance
de la spiritualité ; elle est tantôt un guide et un repère, un socle sur lequel nous nous érigeons. Comme Proust, je crois en la toute-puissance des clochers.

Soleil, faiseurs d’images.
De tes rayons, tu donnes à voir des réalités alors ombragées, insoupçonnées. À ton réveil, un nouveau monde se crée et à ton déclin, c’est un nouveau règne qui prend place. Monde des songes, lumière de l’imaginaire et créateur de sommeil. Au fil de tes déclins, j’ai appris à te contempler et il me semble qu’aujourd’hui, j’ai appris à t’observer dans toute ta grandeur.

Au gré des rencontres, je réalise qu’une chose qui marque une certaine frontière entre l’homme occidental et oriental est ce concept délicat de la résilience. Par l’observation et la discussion que permet la rencontre, il m’arrive bien souvent d’observer qu’ici les gens semblent embrasser leur condition parfois difficile.
Évidemment ils rêvent d’une vie meilleure – d’argent ou d’Europe peut-être –, mais dans la douleur, ils continuent de dresser leur fier sourire et de transmettre une certaine joie de vivre contagieuse. Ce sont eux les véritables alchimistes capables de transformer la boue en or.
Dans nos sociétés occidentales, j’ai bien souvent l’impression que le plus grand des maux est précisément cette incapacité face à sa condition ; cette constante et terrible volonté d’atteindre ce que l’on ne possède pas ou ce que l’on ne n’est pas ; par-delà la nature ou quelque forme de spiritualité. Ce manque de résilience est peut-être la plus grande maladie de nos époques ultra-modernes.
Aussi, avec le déclin progressif de tout vecteur de transcendantalité, tout remède semble peu à peu disparaître vers des ailleurs qui seront à jamais oubliés. Décidément, le surhomme nietzschéen n’est sûrement pas occidental.

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