Marrakech

par Elie Meuret et Gilles Courvoisier · 06.08.2023

Fureur de l’attente.

De retour à Marrakech, nous avons quitté plutôt notre séjour dans l’Atlas qui n’a pas été très fameux. Pour cause, la maladie.

Ici, nous retrouvons notre hostel et un certain sentiment de retour à la maison nous envahit.

Il est intéressant de constater que pour des raisons de fatigue sûrement, beaucoup de choses qui nous émerveillaient jusqu’alors, commencent à nous agacer. Les motos, les gens qui n’avancent pas, les touristes, les hurlements, les mêmes boutiques à intervalles réguliers, un brouhaha constant.

Peut-être que le voyage demande un retour sur ses pas afin de voir les choses avec une double perspective. L’émerveillement face à l’inconnu adoucit peut-être le regard et la fatigue l’obscurcit. Le voyage et ses lieux sont des tableaux vivants en mouvement.

Les entrailles de Marrakech sont semblables à un grand feu dont les braises en sont les rues.

En y marchant, la chaleur alourdit les pas autrefois décidés. Ses impasses vous condamnent et vous obligent à retrouver la foule crainte et méprisée.

Et de ces cendres, naquissent tant de personnes ; des chats aussi. Ensemble, toute cette population crée une fumée ardente qui vous envahit et vous déboussole. Dans cette médina personne ne sait où donner de la tête.

Toutefois, tant dans sa lourdeur que dans sa masse humaine, les couloirs de ces entrailles vibrantes nous rappellent les années d’histoire qui se sont écoulées en ces murs millénaires. Par-delà la foule et ses velléités, réside un fort sentiment d’ébahissement. La douce crainte de ces lieux mystiques transcende les paysages couleur sable.

La lecture de Salambô m’a complétement renversé. Ce livre est une merveille de style et d’imaginaire. Tout y est convoqué : l’histoire, le romantisme, la passion et cette attirance merveilleuse pour le sacré. Rien n’y échappe. Et puis, Flaubert y développe un style qui marque les coeurs. Bien souvent, c’est la passion qui devient sujet de la phrase et qui, par là, génère l’action ; bien plus que l’homme. C’est comme si les passions devenaient le véritable inducteur des actes et des mouvements. S’il fallait résumer l’oeuvre, nous pourrions simplement dire que c’est un livre plein de passions mystérieuses tendant à effleurer un certain aura mystique ; les mots en sont les ponts.

A Marrakech, nous retrouvons Peter. Plus le temps passe avec lui, plus je le découvre ou plutôt redécouvre cet aura de mystère qui l’entoure. Ce soir, j’en ai appris plus sur son enfant. Par bribes et seulement quand il le décide, Peter nous ouvre à son monde intérieur dont il est le seul maître. J’apprends à me taire et j’apprécie ces fulgurences qui me permettent de réaliser qu’autrui est à jamais un inconnu observé sous peu d’angles seulement.

Aussi, chaque minute est à ses côtés vécue accrochée à ses mots, comme source de leçons. Chaque mot prononcé est un conseil de vie qui se termine bien souvent par un rire.

J’apprends à m’ennuyer et par là, prendre le temps de réfléchir. Peter adore s’ennuyer. Il observe les gens et se fait bercer par ses pensées. Et puis, lorsqu’il n’y a plus rien à dire, il retourne sur son téléphone me laissant écrire. Et par moment, il me regarde, me glisse un conseil et me renvoie à ma méditiation.

Peter est une sorte de compagnon intellectuel dont la présence est une berceuse. Je crois que Peter incarne cette beauté de l’inconnu en voyage. En peu de mots, il nous traverse à jamais. Après ce peu de choses, vous ne pouvez qu’être différent, changé. Parce qu'à jamais ce professeur de vie aura su initier en moi une métamorphose, il est cette lueur organisatrice du voyage qui guidera à jamais les souvenirs et les bénéfices de ce périple long d’un mois.

Ainsi, ce n’est pas les lieux qui font véritablement le voyage mais plutôt la distance prise sur soi-même qu’initie la rencontre et l’inconnu, celui qui, à terme, se transforme en un souvenir constitutif.

En plein après-midi, l’orage et le déluge vinrent bouleverser le rythme du temps. Le ciel passa au orange et le vent invita le sable et la tempête. Une surprise qui amusa les foules inhabituées à la météo contrariée.

Ce fut notre dernier soir marocain. Aux côtés de Peter nous passâmes une soirée mémorable. Nous allâmes dans un club de billard, chose que je n’aurais jamais cru faire, ni même aimer. L’activité compte peu, seul l’instant vécu aurpès de gens appréciés à son importance. Par ses mots et ses rires, Peter, est à la fois le point culminant du voyage et celui qui ferme le dernier chapitre de notre voyage. Ces mots ont ouvert de nouvelles portes et une nouvelle façon de concevoir la vie ; une opportunité de sans cesse la réinventer. Peter m’a appris à voyager le coeur ouvert.

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