Aux inconnus

par Elie Meuret et Gilles Courvoisier · 15.07.2023

Il y a de ces moments, oú, à l'ombre d'un passant, des portes, jusqu'alors invisibles, semblent s'ouvrir devant soi. S'arrêter un moment, le temps d'une respiration ; s'ouvrir aux autres comme on ouvrirait ses poumons : une respiration existentielle. S'arrêter, le temps d'un sourire et d'un échange apparaît comme la possibilité de découvrir un nouveau monde, alors inconnu. La clé du voyage réside peut-être dans cet acte si simple de calmer sa marche effreinée pour rentrer en contact avec un inconnu, l'inconnu. Si voyager est synonyme de se déplacer, aussi se pourrait-il que l'arrêt soit nécessaire à l'ouverture de ces différents mondes dans lequel le voyageur rêve de s'engouffrer. 

Dans la fin d’après-midi, rencontre spontanée dans une galerie d’art. La galerie le Pacha ou plutôt devrait-on dire, la caverne le Pacha. En ces lieux aux représentations infinies, nous y rencontrons cet homme dont ne connaissions pas encore le nom. Un érudit qui n’a eu que pour seules études les livres et la discussion. Revenant de sa sieste et en direction vers sa prière quotidienne, cet homme pris le temps de nous partager son monde, son savoir. Voilà une valeur partagée : la transmission du savoir. Pour la première fois du voyage, un sentiment de sérénité m’enveloppe, comme si ma place en ces lieux avait trouvé un sens. Peut-être est-ce parce-que cet homme nommé Ali m’avait ramené à ce qui me parle le plus : l’art. Demain, nous irons – le coeur ouvert – l’écouter nous parler encore de ce à quoi je me raccroche. L’art encore et encore.

Dans la soirée et les coffins de la nuit marocaine, L’hospitalité de l’étranger est pour le voyageur un fantasme idéalisé, un rêve de partage et de rencontre. Voyageur novice, je partage cet idéal. Seulement, ce soir, j’ai découvert que la réalité peut, parfois, être autre.
Au croisement d’une rue, nous fûmes arrêtés par un certain Saïd. Brosse à dent en main, il nous proposa de boire un thé tardif chez lui. Minuit sonnait. Quelle aubaine ce fut pour nous d’être invité chez l’inconnu. Méfiant
pour ma part car inhabitué à un tel laissé aller, j’avançai anxieux mais poussé par un désir de lâché prise. Et puis, nous bûmes le thé et malgré le temps ce fut au commencement un bon moment. Un espace de découverte. Mais lorsque le soi-disant bijoutier nous exposa son travail, le rideau se leva et la pièce commença. Jouant de son hospitalité et de la tradition, nous fûmes contraints d’acheter notre liberté alors menacée par l’air de plus en plus menaçant de cet homme dans le besoin. L’achat du petit bracelet le contenta et nous pûmes partir.
La peur ressentie à cette instant mena à une découverte. L’hospitalité de l’étranger cache peut-être bien souvent un besoin. Le manque de ressources mène parfois à des situations désagréables qui, si elles se
finissent bien laissent un goût acre en bouche mais permettent au voyageur d’adapter son regard sur les choses et de se défaire de ses illusions.
Voyager, c’est précisément se confronter à une certaine réalité en quittant le mythe du voyage et de l’inconnu.

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