Mo’orea la sauvage, rencontre dans le bus

par Thomas Risse · 03.06.2016

Ce matin, je me rends au port de Pape’ete pour prendre le ferry, cap sur Mo’orea. La traversée dure 45 minutes, la mer est calme. Une fois arrivé, je monte dans un bus plein à craquer direction la pension de famille Motu Iti. Je m’assieds au fond, à l’unique place disponible et sympathise avec mon voisin de siège.

C’est un polynésien, la trentaine. Il m’explique qu’il travaille à Mo’orea pour le coprah (il ramasse, casse et fait sécher les noix de coco pour en extraire l’huile). Il serait bien resté à Tahiti auprès de sa famille mais il n’y a pas d’emploi là-bas. En effet, le taux de chômage atteint les 30%, parfois plus. Il est révolté par le nombre de jeunes sans emploi. Il me confie que lorsque ses enfants auront leur baccalauréat, il les enverra en France pour qu’ils aient une vie décente. Ici, beaucoup d’employeurs n’embauchent pas les gens formés car ils leur coutent plus cher. Voilà le paradoxe : les parents motivent leurs enfants à passer le bac en pensant que cela leur ouvrira plus de portes, cependant, en Polynésie c’est l’effet contraire qui se produit. Les jeunes se rabattent alors sur le coprah, les noni (fruit que l’on récolte pour ses vertus médicinales) ou dans le pire des cas, vers la délinquance. Je lui demande alors ce qu’il faudrait changer pour que la situation évolue. Il me dit qu’il n’en sait rien, que le système est pourri, que c’est comme ça.

Le bus s’arrête et le chauffeur crie « Motu Iti ». Bon. Je descends, curieux de découvrir où je vais passer ces prochains jours. Le dortoir et les douches sont spartiates, cependant, la pension se situe au bord du lagon et la vue y est époustouflante. Je ne perds pas de temps et me renseigne sur les chemins de randonnées qui sillonnent l’ile auprès de la réceptionniste (qui fait aussi le service, le ménage, la cuisine, etc).  Elle me donne une carte avec les sentiers tracés au stylo. Je pars de suite me changer et je prends la route du « col des trois cocotiers ».

Sur Mo’orea, il est possible de s’aventurer seul dans la plupart des vallées, mais ce n’est pas le cas partout. Non pas car c’est dangereux, mais parce qu’en Polynésie, beaucoup de terrains sont privés. Il y a des familles qui possèdent de gigantesques parcelles de terre, cela peut être une montagne ou toute une vallée, parfois les deux. Sur Tahiti par exemple, comme la plupart des vallées sont privées, il faut impérativement être accompagné d’un guide bénéficiant de l’accord du(des) propriétaire(s) terriens pour faire de la randonnée. Autre problème : depuis 200 ans, ces parcelles sont restées indivisées. C’est à dire qu’un terrain appartient en même temps à toute la famille, et donc, il suffit d’une seule personne pour en bloquer l’accès. C’est aussi un casse tête lorsque l’on veut acheter un terrain, car il faut parfois demander l’autorisation à plus de 20 personnes, et comme pour la randonnée, un seul refus suffit pour condamner le projet.

Le col des trois cocotiers gravi, je rentre à Motu Iti. Sur la plage, adossés à un cocotier, je découvre les kayaks mis à disposition par la pension. Je fonce chercher mon maillot de bain, une pagaie et je m’élance sur le lagon dans un kayak vert fluo. La sensation de liberté qui m’envahit est tellement intense que je deviens euphorique. Je me mets à rire au milieu du lagon avec pour seuls témoins les raies manta et des dizaines de poissons multicolores. Je leur lance des miettes de pain qu’ils s’empressent d’attraper. L’eau est bleue turquoise, comme sur la carte postale. J’ai l’impression de rêver. J’avoue m’être pincé plusieurs fois pour en avoir le cœur net… Je pagaie jusqu’à la baie de Cook, nommée comme cela en l’honneur du fameux explorateur et cartographe britannique. Lorsque j’entre dans la baie, je m’imagine à sa place en 1777, découvrant un paysage luxuriant et une population inconnue. Certes, le site a beaucoup changé depuis son époque, et ma barque est largement plus petite que son navire, mais l’émerveillement est là.

Mon séjour sur Mo’orea sera une suite de randonnées magnifiques et de sorties en kayak sur le lagon. La prochaine ile que je visiterai sera Bora Bora, la « perle du pacifique ». Bora Bora, le mythe, la légende connue de tous. Qu’en est-il vraiment ?

A suivre…

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