Le Yúnnán: de ville en ville

par Chloé Bazin et Paola Arizzi · 10.08.2018

3 août, Dali

Nous sommes arrivées tard hier soir à la "petite" ville de Dali, là où vit la minorité des Bai. Depuis la vitre du bus déjà, la ville nous semblait chaotique mais charmante.  Ce samedi matin, nous traversons la vieille ville, un bol de nouilles au riz dans le ventre. Une grande foule au bout de la rue attire notre attention: il s'agit du marché de la ville. Nous nous approchons. 

À peine à son entrée, nos sens sont entièrement captivés par cet entourage où tout bouge si vite et où tant d'odeurs et de couleurs s'entremêlent. Les fruits et légumes nous semblent si frais qu'on pourrait facilement croire qu'ils viennent à peine d'être récoltés.  Des femmes Bai traversent le marché et les rues environnantes, portant sur leur dos un panier d'osier remplis de produits achetés. Nous nous sentons petites et insignifiantes au milieu de cette bulle de vie. 

4 août, Dali

Le lendemain, nous décidons de suivre le conseil d’une voyageuse rencontrée dans les rizières du Yuanyang: nous montons dans une voiture partagée avec d’autres jeunes pour nous rendre dans le petit hameau de Shaxi, situé au Nord de Dali. 

Un des jeunes avec lequel nous voyageons se présente sous le nom de Shi Yu: il est médecin à l’armée et à la vingtaine. Grand sourire aux lèvres, il propose de nous guider vers notre auberge. 

5 août, Shaxi

Le matin suivant, nous montons sur des vélos pour découvrir les environs de Shaxi. Nous roulons en direction d’une montagne sacrée, où nous décidons de poser nos vélos pour continuer à pied. En chemin, nous rencontrons une femme Bai, panier sur le dos, occupée à cultiver une sorte de plante. Nous échangeons quelques mots en marchant côte à côte. Après plusieurs heures de marche sous un soleil frappant, nous arrivons au sommet, épuisées, mais émerveillées par la vue sur la vallée à nos pieds.

Le soir venu, nous retrouvons notre ami Shi Yu de la veille. Il nous emmène dans le magasin de thé de sa soeur. Nous prenons place devant elle, notre ami Shi Yu à notre droite. Notre hôte nous verse du thé local dans de petites tasses de porcelaine ornées de décorations délicates. Toute la famille, assise à l’arrière du magasin, nous salue en souriant. 

Après ce rituel typique de la province du Yúnnán, nous nous promenons avec Shi Yu vers le restaurant de sa sœur et y rencontrons ses proches. Nous passons un moment très convivial ensemble, autour de bières et pâtisseries locales. Grâce à notre ami anglophone, nous parvenons à franchir la barrière linguistique en conversant avec ces locaux. L’ouverture et générosité de ces familles et amis nous touche beaucoup ce soir-là. Nous rentrons à l’auberge la tête dans les étoiles, pleine de rires et de nouvelles rencontres.

6 août, Shaxi 

Sacs sur le dos, nous partons de bon matin pour une journée de marche sur la montagne sacrée à l’ouest de Shaxi. Nous y découvrons de magnifiques temples construits dans la roche, entre lesquels s’écoulent des petites cascades et où vivent de nombreux singes. Ces derniers étant parfois un peu agressifs, nous devons même nous défendre à l’aide d’un bâton à quelques reprises!

Rentrées, l’aubergiste nous apprend que nous sommes à Shaxi au bon moment: une fois par an a lieu le « Festival du feu », festivité typique de la minorité ethnique des Bai. Chaque année, les locaux font brûler des torches sur la place principale pour éloigner démons et mauvais esprits. Cette pratique nous intrigue beaucoup et ne nous semble pas dépourvue de danger: tous les villageois se rassemblent sur la place et attendent que quelqu’un, torche enflammée à la main, vienne leur toucher les jambes ou le bas du corps. Ils lâchent ensuite un grand cri puis repartent en courant. Ainsi, ils sont purifiés de mauvais esprits. 

7 août, Lijiang

Après une brève escale dans la ville touristique de Lijiang, en route pour le lac de Lugu. Tout autour de ce magnifique lac d’un bleu azur réside la communauté matriarcale des Mosuo. Depuis le début du voyage, nous n’avons qu’une envie: rencontrer ces femmes et comprendre leur mode de vie. 

La chance étant de notre côté cette fois-ci, nous attrapons le bus de justesse. Le trajet, tout au long de ses 7 heures, ne cesse de nous émerveiller: nous nous faufilons sur des routes sinueuses à travers les vallées, puis les collines du Yúnnán, en longeant la rivière Yangtze. Notre excitation, ainsi que celle de nos co-voyageurs lâchant sans cesse des « Oh! » et des « Ah! », est au plus haut point lorsque nous apercevons le Yangtze aux confins de la vallée, enveloppée d’une brume légère. 

8 août, Lac de Lugu

Nous nous réveillons dans une auberge très simple et sobre, plutôt loin de Luoshui, village où résident les Mosuo. Cela complique la planification de nos 3 jours au bord du lac. Après quelques tentatives de trouver un taxi (qui, nous l’apprendrons plus tard, n’existent pas dans cette région isolée de la Chine) nous comprenons que le meilleur moyen de nous déplacer est en faisant du stop. 

Arrivées à Luoshui, notre première impression de cet endroit est qu’il ne ressemble en rien à ce que l’on s’imaginait! Le lac et ses environs est devenu, depuis une décennie, un lieu touristique très prisé par les touristes chinois, arrivant par centaines dans de larges bus. Sur les rives du lac, hôtels chics et restaurants hors-de-prix à perdre de vue. Cela nous fait penser à une « Venise asiatique », pourtant authentique pour certains, mais pour d’autres devenu désagréable à cause de la foule grandissante de touristes. 

Nous décidons malgré cette découverte de profiter de notre séjour au lac et sautons sur une barque qui nous mène vers une île un peu plus loin sur le lac. Le bateau est conduit par, et oui, une femme Mosuo! Vêtue d’un magnifique vêtement coloré et d’un foulard rose vif, cette femme élégante nous impressionne en ramant de toutes ses forces pour faire avancer le bateau. 

La visite du musée des Mosuo remplit notre après-midi. La plupart des explications étant indéchiffrables pour nous, de jeunes étudiants proposent de nous aider et nous guident à travers le musée. Nous apprenons que les Mosuo vivent en harmonie totale avec la nature. « Tout objet possède un esprit » : c’est le principe premier de leur propre religion animiste et polythéiste, nommée « Daba ». A travers celle-ci, les Mosuo vénèrent la nature, leurs descendants et les esprits. Cette religion n’a pas de structure, de temples ni de doctrine écrite. Les chants Daba sont simplement transmis oralement entre les générations. 

Dans la soirée, nous avons la chance d’assister à une danse traditionnelle des Mosuo. Nous nous faisons ensorceler par une douce mélodie sur laquelle dansent en ronde femmes en longues robes colorées et hommes ressemblant étrangement à des cow-boys, avec leurs chapeaux remontant sur les côtés. 

Puis, nous sommes invitées par les Mosuo à nous joindre à eux dans la ronde. On se laisse entraîner dans leur musique enivrante, tentant de suivre les mouvements de la ronde. 

Une fois la danse terminée, nous rentrons en stop à notre auberge, larges sourires aux lèvres. 

9 août, Lac de Lugu 

Ce matin, nous prenons une voiture pour nous rendre dans un village situé sur les collines du lac. Nous avons entendu que là, les Mosuo pratiquaient les traditionnels « mariages ambulants ». Une fois arrivées, nous découvrons, plutôt déçues, que ces mariages ne sont plus dans la tradition des Mosuo. En effet, cette minorité ethnique, comme les autres que nous avons rencontrées, est en cours de modernisation: contrairement à ce que l’on pourrait croire, les membres ne portent plus d’habits traditionnels (hormis pour de rares occasions), mais plutôt t-shirts, jeans et baskets. Si cela nous a choqué au début, nous comprenons à présent que ce changement est inévitable.

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