XI'an

par Julie Bron et Sasha Gutenmacher · 13.08.2023

J’ai adoré Xi’an aujourd’hui. Même l’air est plus léger, chaud, toujours, mais plus sec. C’était apaisant. Moins de gens, toujours du bruit mais ce n’était plus l’effervescence de la capitale. Comme si on avait arrêté de courir. J’avais beaucoup de choses à raconter mais soudain, tout s’est échappé de ma tête.

C’était un dimanche, curieux. Ou plutôt prévisible. C’était notre journée pieuse. En déambulant dans les rues colorées et vibrantes, avec le trafic de scooters et de tuktuks conduits par des vieux chinois klaxonnant la clope au bec, au détour d’un croisement, on est soudain happé par la présence d’une église chrétienne. Le familier, on y revient. Quelques pas hésitants, c’est l’heure de la messe. Un foulard sur les épaules, on pénètre dans la fraîcheur sacrée de l’édifice. La messe est dite, entrecoupée de chants repris en chœur par l’ensemble des prieurs vêtus de tenues élégantes et colorées. L’église en elle-même pétille, peinte de couleurs vives, avec des idoles et symboles bibliques, tout est si différent de l’Europe. Et pourtant, assise au milieu d’eux, j’ai été prise de gratitude. C’était apaisant.

Quelques heures plus tard, nous pénétrions dans la grande Mosquée de Xi’an. Les vieilles constructions typiques en bois de temple ancien respirent l’histoire. La lumière de fin de journée jette un voile quasi mystique sur l’ensemble du complexe de cours. Chacune d’elle porte un nom, y est attachée une symbolique. Il flotte autour du lieu le solennel du sacré, on se tait devant tant de beauté. Nos caméras sont incapables d’y réfléchir l’atmosphère réelle. (Alors on essaie tant bien que mal avec des mots). Tout est silencieux, calme, serein, tandis qu’à quelques pas, le souk s’essouffle, grouille, crie, rassemble et vagabonde. La Mosquée veille. 

Le temps de la prière a sonné et les hommes coiffés de ce qui s’apparentaient à des keffiehs se dirigent en discutant vers l’immense salle de prière. Certains nous regardent avec le sourire, on ne peut que les observer passer, en silence, intimidés. Les hauts parleurs transmettent en direct la voix de l’Imam prononçant la prière et l’écho des croyants. Le jardin est soudainement envahi de voix à l’unisson qui résonnent au milieu de la verdure et d'architectures vides. 

Qu’il est doux de pouvoir ressentir la plénitude de la foi. 

J’étais une étrangère -à cette religion tout comme à ce pays ou cette culture-, et leurs yeux m’ont dit bienvenu pour le temps que tu passeras avec nous. 

Ça pourrait me faire chialer.

Xi’an est plus calme, il est plus facile de voir les choses arrivées. 

Les gosses baltringuent à l’arrière des scooters, sans les mains, négligeant, regardant autour d’eux le trafic qui file à tout allure. Cette chaleur ne crée aucun flegme, aucune lenteur que l’on pourrait attendre. Tout s’enchaîne, les journées filent et il faut se serrer pour monter dans les métros éclairés de lumières blanches, les sièges pastel et l’air froid qui donne envie de faire une sieste.

En déambulant, on tourne soudainement à droite, on prend cette petite rue parallèle à l’artère bondée, on rentre dans un parc et soudain tout s’éteint. Les espaces hors du temps et de la ville, en un instant on passe du déluge au calme plat. Parfois, dans une rue bordée d’arbres, les bruits stridents des grillons gueulent avec une force qui impose le silence.

Sous ces arbres, une toute petite table basse est entourée de quatre minuscules chaises sur lesquelles sont quasiment accroupis un attroupement de vieux chinois enchaînant les parties de go. Certains observent le jeu debout, exposant leur ventre, le t-shirt relevé.

On passe notre temps à croiser des gens et à être scrutés, de l’excitation admiratives des petites filles aux regards indifférents des vieux messieurs assis derrière leur échoppe.

En jetant un œil dans les multitudes de restaurants qui bordent toutes les rues, j’aperçois, avec un œil presque amusé, les dames qui s’endorment sur les tables des restaurants après le repas, la tête cachée dans les bras et le début d’après midi sonnant l’heure de la sieste.

Quand le soleil se couche et que les néons s’allument, ça ne ralentit pas non plus. Les tables sont remplis de plats, les clopes au bec et l’alcool qui monte beaucoup trop vite. Les rires gras résonnent au milieu des cris et des klaxons qui ne font même plus ciller les passants.

Les parcs se découvrent au milieu de la ville et révèlent un petit lac dans lequel quelques pédalos jaunes permettent aux grosses mères et leurs enfants de se rafraîchir. 

Un peu plus bas, l’eau stagne dans une forêt de nénuphars, dont on ne distingue même plus les racines aquatiques tant la masse est dense. Les ponts en bois blancs relient aux îles formées de rochers qui abritent à leurs sommets une petite cabane hexagonale en bois couverte d’un toit et garnie de quelques bancs sur lesquels les mères attendent leurs enfants criant et sautant de pierre en pierre avec leur éventails qu’elles agitent mollement devant leur visage. 

En contre bas, il est possible d’observer les jeunes filles et les toutes petites, parées de tenues colorées et délicates. Tout est fait de voiles, de perles, de tresses et d’ombrelles en dentelle. De très près suivent leurs photographes, les immortalisant inlassablement dans le cadre d’un jardin anglais. 

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