Lhassa

par Julie Bron et Sasha Gutenmacher · 23.08.2023

Sublime, montagneux, frais, l’air y était plus difficile et nos têtes nous lançaient. 

En déambulant dans les rues de Lhassa, c’était comme avoir un lendemain de soirée difficile. Le manque d’oxygène nous défonçait et nous embrumait.

En moins de 24 heures, ça nous est revenu dans la gueule avec une force que nous n’avions pas imaginé. 

C’était déjà sous-jacent, le malaise m’avait saisi alors que nous passions la douane à 7h du matin, la salle d’attente remplie de Tibétains, sur les sièges en plastique bleu défoncés, la présence des chars militaires dans les rues, le tableau de Mao et ses successeurs, le même, partout, dans chaque recoin de petits restaurants, la présence omniprésente de la police, le contraste net entre les tibétains et les chinois, les regards et le sentiment enfouis d’être de trop. 

Je parlais de leurs visages, forgés par l’altitude, ce teint plus mat, les traits plus fins et fatigués de la montagne, il y a quelque chose de touchant dans les joues dodue rouges écarlates des enfants qui courent entre nos jambes. 

Et ils nous regardent avec bienveillance. Et ça tue.

Au milieu des ruines, quelques épaves ici et là, couleur sable, on apprend que c’était le palais d’hiver du 6e Dalaï-lama. Il l’avait construit à cet endroit car à quelques mètres se trouvaient des sources d’eaux chaudes naturelles. Aujourd’hui les maisons sont blanches et couvertes d’une toiture rouge, toutes identiques, les champs sont parsemés de cabanes à pique-nique pour les gens de la ville le week-end et la source chaude est devenue une piscine publique. 

Dans la voiture Lhassa - Shigatse, accompagnés de notre guide, notre chauffeur, et deux autres occidentaux avec qui on passera cette traversée du Tibet.

Le calme plat de l’eau, d’un turquoise profond, huileuse, pas un bateau, les maisons blanches de l’autre côté de la rive aux toits rougeâtres tournant au brun brillent et se détachent des montagnes d’un vert calme. Les tâches noires indiscernables sont les yakes parsemés sur les plaines à perte de vue. 

C’est difficile de respirer.

La route tremble, les drapeaux bleu blanc rouge vert et jaune claquent dans le souffle froid de la vallée, à l’unisson avec ceux du Parti. On passe des petits villages mouillés, terreux et balafrés d’un unique chemin traversé par les voitures et les touristes. Les murs en pierres claires qui entourent les maisons sont surélevés par du crottin sec de yak ou de vaches qui sera le combustible de l’hiver. Les joues sont rouges, les touktouks foncent et les enfants jouent sur les bas-côtés du béton. De loin, tout semble appartenir à des miniatures dans lesquels on a ajouté un peu de vie.

Les drapeaux bleus blancs rouges verts et jaunes dressés sur des tiges sur chaque toit de maison est une pratique Bon qui protège la maison. Sur ces drapeaux sont imprimés des prières et ils sont changés chaque année au Nouvel An tibétain. Les couleurs représentent respectivement le ciel, les nuages, le feu, l’eau et la terre. Les croyances Bon se basent sur les énergies des éléments, de la nature, de la lune et du soleil. Certaines pratiques sont restées ancrées après la diffusion du Bouddhisme. 

Kumbum Stupa Shigatse 

La peinture blanche qui éblouit, le rouge qui coule, les pinacles dorés aux sommets des temples, les décorations multicolores qui entourent le Stupa, qu’il faudrait voir pour réussir à les décrire, le fort en haut de la montagne, les maisons qui se fondent avec la couleur de la terre, recouvertes cependant de toitures bleues ciel, et puis, au loin, les montagnes d’un vert terreux, creusées, comme si on avait froissé un tissu en soie sur leur surface pour leur donner ce relief particulier.

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