Morel’s Lake

par Maeva Terbois · 01.06.2020

En ces temps de Covid, je découvre la capacité qu'ont les yukonnais à trouver de nouvelles activités. Le business de Bernard étant du tourisme, comme tant d’autres ici il sait que la saison ne sera pas aussi bonne car les frontières sont encore fermées aux touristes internationaux. Il décida alors de cueillir des morilles cet été, champignon très dur à obtenir et qui se revend en Europe ensuite très cher. Les morilles, en effet, poussent en s’enracinant à un arbre et ne sortent que si l’arbre meurt. La technique est donc de se rendre sur les forêts qui ont brûlé l’année passée, où tous les arbres sont forcément morts. Le Yukon étant très sec, les feux sont courants et on obtient facilement du gouvernement la carte qui les répertorie. Bernard, avantagé de son hydravion, choisit alors une forêt bien loin et bien isolée où il était sûr que nous serions les seuls. De là, beaucoup d’organisation est nécessaire car nous devons monter une équipe puis aller nous y installer un mois ou plus si cela paie. On décida de nommer ce lac Morel Lake qui devint son nom officiel sur les cartes puisque pas encore répertorié. Après quelques semaines de préparations aux techniques, d’acquisition de matériel, etc, nous voilà donc partis pour Morel Lake, une équipe de 8 pour découvrir le terrain.

Là c’est tout ce que j’aime, on quitte la civilisation, et je ne le savais pas encore mais je vivrai vraiment ma plus longue et ma plus profonde immersion dans la nature. Effectivement, cette fois pas de cabane. Une fois que Bernard, son fils et moi étions arrivés, Bernard repartit chercher les autres avec son avion et son fils et moi avons commencé à monter le campement. Il faut trouver près de l’eau, une surface grande et plutôt plate, pour l’y dresser. Une fois trouvée, on abat les arbres, on dégage les résidus et on plante une première tente, puis une deuxième et une troisième. Un peu plus loin, il faudra installer une cuisine et des toilettes. J’avais du mal à voir à quoi cela ressemblerait mais après quelques jours nous sommes réellement bien installés. J’ai en tout cas tout le confort dont j’ai besoin.

On trouve pendant nos premières expéditions des traces des derniers visiteurs : des canettes, des bidons d’essence, le tout datant des années 40 au plus tard, on se sent alors privilégiés d’être là. Morel Lake est immense, avec une île au milieu. Nous sommes installés sur la face ouest, là où des kilomètres de forêt ont brûlé. Honnêtement les premières expéditions sont dures. On imagine pas mais une forêt brûlée, c’est très dur d’évoluer dedans. On se coince, on se griffe, etc sur les bouts de bois restants qui sont très piquants. En revanche, c’est magnifique, tout ce noir avec les sols blancs de cendres. Pour ce qui est des morilles, je comprends enfin pourquoi elles coûtent si cher : l’effort pour les obtenir est énorme. Il fallait monter plus d’une heure avant d’atteindre les premières, puis encore plusieurs heures avant d’en avoir un kilo. Ensuite on a dû fabriquer avec ce qu’on avait et un ventilateur un déshydrateur afin de pouvoir les sécher sur place, Bernard lui se chargeait de toute la logistique et des clients avec son téléphone satellite. En effet, dès qu’on quitte Whitehorse il faut un de ces engins ou bien on est injoignables et coupé de toutes communications. J'y ai passé un des plus beaux mois de ma vie, 24h sur 24 dehors, à finir les journées par de magnifiques soirées autour du feu. Et ici, ce sont de drôles d’histoires qu’on raconte autour du feu, comme des bagarres avec des ours !

Malheureusement pour moi, une fois notre aventure au Lac des morilles terminée, il ne me restait plus que 2 semaines au Yukon. J’ai eu la chance d’être emmenée par Bernard une dernière semaine à Coghlan, le lac et la cabane où je suis venue en 2016 et où je suis tombée amoureuse du Yukon. J’ai fait, non pas mes adieux mais mes aurevoirs à ces paysages, ce mode de vie, ce silence, et il a fallut rentrer. Sur mon retour, je faisais escale d’un jour à Vancouver et j’avoue avoir eu un petit choc. C’était littéralement le retour à la civilisation, beaucoup plus de bruits, de monde, et beaucoup moins de calme.

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