Mon voyage a commencé

par Giulietta Dunant · 29.02.2016

Mon voyage a commencé dès que j'ai tourné les talons à l'auberge pour prendre enfin la route. Chargée comme une mule entre mon gros sac et ma planche, j'ai traversé les rues d'Ushuaia en me faisant aboyer chaque mètre par les chiens, museau collé au grillages. L'idée de me lancer enfin dans l'inconnu, l'imprévisible, me faisait déjà bouillonner même si au fond il restait cette petite anxiété mais c'est elle qui épiçait mon voyage. Comme en cuisine il faut savoir garder un équilibre en prenant des risques pour découvrir des nouvelles saveurs.

Heureuse de quitter cette ville étrangement sans intérêt et pourtant entourée d'une nature puissante avec ses montagnes. Je m’en souviens d'une en particulier, avec plein de petites dents et mouchetée de taches blanches qui contrastaient la roche noire en fond. Elle m'impressionnait, à la fois sombre et menaçante mais tout aussi accessible et attractive. Je lui ai lancé un dernier regard avant de suivre mon instinct impulsif en levant le pouce a la sortie d'Ushuaia. J'offrais un spectacle assez risible, d'une blonde en doudoune entourée de montagnes, tenant sous le bras une planche de surf.

Deux types se sont arrêtés, ils allaient à Rio Grande tout comme moi. Un père et son fils, ils se disaient gitans. Le vieux me parlait d'un espagnol incompréhensible avec sa grosse voix grasse. Il faut dire que je ne parlais pas un mot d'espagnol, à part ¨Hola¨ et que j'étais partie du principe qu’en parlant l'italien, l'histoire allait être simple. Mais ça ne nous a pas empêché de comprendre l'essentiel, à capter quel genre de fou on était. 

L'aventure pouvait commencer, tous les ingrédients y étaient. Je sentais mon estomac se serrer par l'excitation, le plaisir de rouler, de voir le paysage défiler par la fenêtre. La route sillonnait aux pieds des montagnes recouvertes de forets denses, impénétrables, de temps à autre un petit ruisseau brillant comme du cristal, puis un lac bleu froid. On sentait la pureté de l'atmosphère, une nature encore complètement intacte, intouchable qui domine tout. La fenêtre ouverte je fumais une cigarette en collant mon front à la vitre, hypnotisée.

Ils roulaient comme des sauvages et de temps en temps s'arrêtaient quelques secondes pour s'échanger le volant,  tellement rapidement que le fils sautait carrément sur le capot. En route, à force de s'arrêter avant chaque contrôle de police, je compris que Christian, le fils, était mineur et sans permis. Alors s'était tout un tournus de conducteur père-fils des qu'apparaissait sur la route un conne orange.

C'est comme ça qu'on est entré dans Rio Grande. Je ne m'attendais pas du tout à une grande ville et en voyant l'ampleur de la périphérie et zone industrielle traversée, je commençais à douter un peu de mon choix et sentais le retour du pessimisme dans mes idées. Mais je n'avais pas vraiment le choix. Perdue dans mes pensées, la voiture s'est arrêtée et ce n’était pas pour changer de conducteur mais pour que je continue ma route. Je l’ai salué rapidement, la voiture a filé devant moi et je me suis retrouvée seule en périphérie sans aucunes indications à part l'adresse d'une locale où je devais être hébergée pour la nuit.

Plus je demandais mon chemin, plus on me faisait confondre les directions en me donnant des informations contradictoires, jusqu'à ce qu'un type de l'hyper marché avec sa blouse jaune et rouge me dise de prendre le bus B en face.

Le conducteur n'en revenait pas quand il m'a vu entrer. C'était sûrement la dernière chose qu'il s'attendait à voir aujourd'hui et 28 collégiens à l'intérieur qui gloussaient, également. J'ai retrouvé le sourire quand j'ai entendu "Have you ever seen the rain" des Creedence en fond sonore. J'étais sûrement la seule à l'apprécier, et je souriais bêtement.

En descendant j’ai découvert des rues bordées de baraquettes et petits immeubles de banlieue à moitié bricolés et décadentes. J'avais presque le sentiment d'être dans un quartier de squatte. C'est ainsi que je me suis lancée à la recherche de l'adresse qu'on m'avait donnée.

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