Le Tibet: voyage physique et spirituel

par Chloé Bazin et Paola Arizzi · 07.09.2018

11 août, Gare de Xining, Sichuan 

Parfois, on sent que l'on vit un moment unique, un moment qui restera inscrit dans nos souvenirs à jamais. Le trajet en train de Xining à Lhassa en était un pour nous. 

Après une longue procédure pour obtenir le visa tibétain, de nombreux contrôles et files d'attente, les portes du quai de la gare s'ouvrent enfin.  On se regarde, sourire jusqu'aux oreilles, et on se faufile dans la foule pour trouver notre wagon.  On partage une cabine avec un jeune couple chinois très sympathique. À peine installées, le train se met en mouvement.  Il est 20h.  Sous nos yeux défilent les lumières des gratte-ciels de Xining, telles des étoiles filantes. Nous nous endormons, bercées par le mouvement régulier de notre wagon sur les rails, et rêvant de ce qui nous attend.

12 août, à bord du train de Xining à Lhassa

Réveillées le lendemain, on ouvre tout de suite le rideau pour regarder par la fenêtre.  Partout où nos yeux se posent, plaines désertes et montagnes verdoyantes à l'horizon. Une étendue de terre parsemée de lacs s'étend à l'infini sous nos yeux.  De temps en temps, nos regards se trouvent fixés à regarder au loin des troupeaux de yak sauvages.

Après plusieurs heures de trajet, maux de tête et difficulté à respirer sont au rendez-vous... ce qui n’est pourtant pas étonnant à 5’000 mètres d’altitude!

12 août, Lhassa, Tibet 

24 longues heures de train passées, nous mettons enfin pied dans la capitale du Tibet, Lhassa.

Nous partons à la découverte de la ville. Dans ses ruelles étroites, des visages curieux nous dévisagent de la tête aux pieds. Nous y sommes pourtant accoutumées à présent. 

Visages brunis, coiffures élégantes, vêtements traditionnels des passants, le tout mêlé à une langue mystérieuse et éminemment différente: nous nous trouvons plongées dans un nouveau monde que nous nous réjouissons déjà de découvrir au cours de ces deux semaines. 

13 août, Lhassa, Tibet 

En ce lundi matin ensoleillé, nous partons visiter le célèbre monastère de Drepung, le plus grand monastère du Tibet. Perché sur une colline à quelques kilomètres de la capitale, Drepung est plutôt intimidant. Ce monastère est devenu au fil des années comme un petit village. Les toits des maisons sont faits de petits bouts de bois superposés et sont décorés d’emblèmes bouddhistes; de petits rideaux qui ondulent dans le vent ornent le rebord des fenêtres. 

16 août, Camp de base de l’Everest, Tibet

Cela fait 2 jours que nous roulons dans les plaines du Tibet. Nous avons fait escale au camp de base de l’Everest, là où de courageux alpinistes s’apprêtent à affronter la plus haute montagne du monde. Comme eux, nous dormons dans un gîte sobre mais convivial. Nous apprenons que nous sommes chanceux: ce soir, au coucher du soleil, nous arrivons à apercevoir la pointe de l’Everest au loin, ce qui est pourtant rare au mois d’aôut. Jubilations de tous côtés et excitation intense.

Après-demain, nous atteindrons le mont Kailash. Cette montagne est considérée comme étant la plus sacrée du monde, surtout dans les religions bouddhistes et hindouistes. Elle prend la forme d’un dôme enneigé et se trouve en grand contraste avec les montagnes de couleur brune et verte dans ses environs. Cette montagne est même si étrange que de nombreuses théories ont vu le jour sur son apparition: serait-elle en réalité une création humaine, telle une pyramide recouverte de neige, ce qui expliquerait ses parfaites proportions? Ou serait-ce plutôt une montagne venue d’ailleurs, de très loin, et déposée ici ou créée par une divinité qui y habiterait jusqu’à ce jour? Cela restera toujours un mystère. 

C’est aussi pourquoi de nombreux pèlerins s’y rendent chaque année. Une vieille tradition dit qu’en contournant cette montagne, tous nos pechés sont effacés. Nous voulons découvrir cette montagne invraisemblable de nos propres yeux ainsi que rencontrer ses pèlerins dévoués.

Nous nous préparons donc à la gravir dans quelques jours, ce qui n’est pas tâche facile: la marche dure 3 jours, durant lesquels il est nécessaire de gravir des cols de plus de 5’600 mètres. Nous apprenons qu’il faut non seulement être en excellente condition physique, mais surtout être prêt mentalement pour cette marche qui s’annonce des plus rudes. 

19 août, 7h, Darchen, Tibet 

« N’oubliez pas, 2 bouteilles d’oxygène chacun! Tout le monde a assez d’eau? » En ce matin glacial, ce sont les paroles que nous lance notre guide qui nous accompagnera pendant la marche. Nous sommes au pied de la montagne, dans un petit village nommé Darchen. Nous sommes prêts à partir, sacs remplis d’habits chauds, de nourriture, d’eau... et d’un peu d’appréhension!

Après une longue journée de 20 kilomètres et environ 8 heures de marche dans les pattes, nous arrivons au gîte en fin d’après-midi. Nous avons une vue incroyable sur la face nord du mont Kailash, qui semble être venu tout droit d’un film de science-fiction. Le soleil se couche doucement et laisse derrière lui une traînée de lumière rose mêlée de pourpre. 

20 août, face Nord de Kailash

Le guide nous aura prévenu: aujourd’hui sera la journée la plus dure. Nous allons affronter 800m de dénivelé pour arriver au plus haut col du pèlerinage, le col de Dromala, à 5’630m. Nous nous sentons toutes deux éprises de douloureux maux de tête dûs à l’altitude. Cela rend la tâche de grimper jusqu’au col encore plus difficile. 

Mais nous y parvenons enfin. Une fois sur le col, nous accrochons notre guirlande de drapeaux de prière tibétains avec les autres. Nous sentons que nous avons accompli un grand exploit. Nous ressentons aussi une forte énergie au sommet de ce col, énergie qui, comme le dit une légende, restera auprès de nous durant toute notre vie et nous protégera des malheurs. Nous entamons la descente, le cœur léger. 

25 août, Lhassa

Après le pèlerinage autour du Mont Kailash, nous rentrons à Lhassa et profitons de notre dernière journée dans la capitale tibétaine.  Nous décidons d'aller visiter l'unique monastère de nonnes bouddhistes à Lhassa. 

À première vue, le monastère ne semble en aucune manière différent des autres que nous avons visité.  Pourtant, après quelques minutes seulement, nous remarquons de subtiles différences.  Les femmes ici ont une meilleure connaissance de l'anglais, ce qui nous permet de communiquer plus facilement avec elles. Nous nous engageons donc dans plusieurs conversations avec ces femmes très avenantes et sympathiques. Elles nous invitent même à assister à une cérémonie traditionnelle, où elles prient au rythme de la musique tibétaine. Dans un autre coin du monastère, nous apercevons des femmes dans un atelier, occupées au métier à tisser.

26 août, Lhassa 

Aujourd’hui, nous montons sur le train qui nous mènera à Pékin. Nous nous installons dans notre cabine où nous resterons 3 jours. 

À la tombée de la nuit, en regardant par la vitre, nous réalisons que ce trajet nous fait du bien. Dans un monde où il est possible de voyager d'un bout à l'autre de la planète en quelques heures seulement, nous voyons l'importance de ralentir parfois, de prendre le temps d'être présent et d'apprécier le paysage qui défile sous nos yeux. De sentir la distance que nous parcourons. À l’horizon, arêtes de montagnes. Kilomètres de plaines inhabitées. Yaks broutant l'herbe fraîche. Tentes de nomades. Éclair lâché au loin dans un ciel gris. C'est souvent de la simplicité que naît la beauté, et ce voyage nous a appris à la voir tout autour de nous.

Lors de ce long trajet en train à travers la Chine, nous sentons le temps qui passe. Et l'espace. Nous sentons la direction du wagon qui nous emporte. En regardant par la fenêtre, dans le battement régulier du train qui passe sur les rails, nous réalisons que c'est une symphonie de sens, nous permettant d'être plus présentes que jamais. 

2 septembre, Aéroport de Pékin

Après 5 semaines de périple, nous voilà prêtes à décoller pour Genève. 

Nous sommes arrivées tard à Pékin, après 3 jours de train riches en réflexion et en nouvelles rencontres. Nous avons visité les temples et les parcs de la capitale, mangé des plats traditionnels et ainsi découvert une toute autre partie de la Chine. 

Nous avons accepté de nous faire guider à travers le « temple of Heaven » par un jeune homme très sympathique rencontré dans le train quelques jours plus tôt. 

Cette dernière expérience, ainsi que toutes celles de notre voyage, nous ont permis de nous forger une idée de la Chine bien différente de quand on y posa les pieds un mois plus tôt. Nous y voyons à présent de la générosité, de l’ouverture d’esprit, et avant tout une incroyable gentillesse qui nous a tant touchée. 

En rétrospective, nous réalisons que ce voyage nous a apporté quelque chose d'unique, que nous emporterons dans nos cœurs pour toujours. Même si nous ne parvenons pas tout à fait à l'expliquer, nous sentons que quelque chose en nous a changé, et que nous ne reviendrons plus tout à fait les mêmes. Et c'est cela, la magie du voyage!

 

Laissez un commentaire

Le commentaire sera soumis à la validation d’un modérateur. S’il est conforme à la charte il sera publié sur le site. Votre adresse de messagerie ne sera pas rendue publique.
Merci, votre message a bien été envoyé.
Une erreur est apparue, merci de contacter l'administrateur du site.